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L'oeil de Roger Smith
27 mars 2013

François Hollande : la chute finale ou le sursaut ?

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La victoire du 6 mai dernier était plus que vitale pour la France, pas simplement pour la gauche. Ce qui restait de droite Républicaine sous Nicolas Sarkozy a été réduite à néant par la lâcheté des uns, et la ligne Buisson défendue par d'autres en plus d'une politique économique injuste qui s'est avérée totalement inefficace. Pourtant, nous savions tous, François Hollande le premier, qu'un échec de sa part plongerait le pays dans le chaos car les extrémistes étant déjà en progression, ils seraient cette fois en position de gagner. Quand je parle d'extrémistes, je parle de Marine Le Pen, mais aussi désormais de Jean-François Copé et de Nicolas Sarkozy dont le mandat précédent avait démontré qu'il n'y avait plus rien de Républicain chez lui car devenu la marionnette d'un ancien conseiller de Jean-Marie Le Pen. Cette fois, ça serait pire...


Où est le patron ? Où est le taulier ? Où est passé celui qui devait combattre la finance ? Je n'ai rien contre les sacrifices, mais on a déjà fait notre part. Je n'ai rien contre le donnant-donnant avec le patronat, mais je suis toujours méfiant et j'attends de voir. Sur la lutte contre le chômage, je sais que des mesures ont été prises. Seulement, on n'en voit pas le bout s'agissant du tunnel, si ce n'est qu'on veut prendre à contre pied tous les indicateurs économiques s'agissant de l'inversion de la courbe du chômage, Pierre Moscovici aujourd'hui encore parlant d'une inversion dans 6 mois. Si on met de côté l'Europe (j'y reviendrai), la politique de François Hollande peut se défendre. La communication, en revanche, ce n'est pas ça. La riposte est désastreuse, et à force de chercher le conscensus et à vouloir ménager l'électeur de droite ainsi que le patronat selon les sujets, on finit par tourner le dos à ses électeurs.

Je parlais justement de la riposte. Il y avait déjà des failles dans la communication durant la campagne Présidentielle. Contre la violence verbale de Sarkozy, on répondait faiblement. On considérait comme un acquis auprès des Français le bilan désastreux de Sarkozy, sa politique clientéliste sur le plan fiscal (inutile et ruineux) et l'absence de mesures contre le chômage et d'une vraie politique de formation. Quand Sarkozy voulait faire culpabiliser les chômeurs et faire un référendum sur la formation de ces mêmes chômeurs, on n'a pas assez martelé que si seulement 10% des chômeurs étaient formés, c'était par sa faute car beaucoup de discours et peu d'actes sans oublier qu'un référendum là dessus est purement démagogique et va à l'encontre de la constitution, lui qui refusa un référendum sur les retraites. On a dit plus ou moins ça, sans insister et pas dans les médias ayant un certain succès dans l'opinion. La gauche a peu d'éditorialistes en sa faveur, tous étant admiratifs, limite groupies à la moindre manoeuvre politicienne et au moindre calcul de Sarkozy et tous crièrent au génie pour pas grand chose. Il fallait alors saturer l'espace médiatique en plus des réseaux sociaux et marteler une série d'arguments, les répéter sans cesse comme celui indiqué plus haut.

On n'a pas besoin de caricatures de politiciens plus militants que les militants comme Lefebvre et Morano, ça décrédibilise le message. Mais il fallait des fortes personnalités en plus d'être bien structurés sur le plan intellectuel. Il y en a un paquet au PS et les porte-paroles de François Hollande n'étaient pas assez mordants. Aujourd'hui, que voit-on ? Des gens comme Jean-Christophe Cambadélis et Julien Dray mis de côté. Un rôle de porte-parole serait trop petit pour eux, mais des responsabilités de numéro 2 et 3 au PS avec la possibilité de peser dans le parti leur aurait permis de peser médiatiquement, ainsi qu'en interne car avoir une Cour pour François Hollande aurait été aussi désastreux que sous Sarkozy. Des gens comme Gérard Filoche n'étant pas marginalisés auraient éclairé le Président sur la dangerosité de l'accord national interprofessionnel (ANI) signé par des partenaires sociaux minoritaires et je pourrai aussi citer Marie Noelle Lienemann. Oui mais voilà, ces gens ne sont pas de la gauche "Canada dry", et on s'étonne de la radicalité des soutiens du Front de Gauche.

Si j'ai toujours réfuté le terme "Hollande = Sarkozy" et les insultes contre des ministres, le désespoir (le vrai pour l'occasion, rien à voir avec le FN) des gens se rapprochant du Front de Gauche doit être entendu. Ceux qui soutenaient le Front de Gauche aussi. Quel message va-t'on leur envoyer sur les retraites ? On se base sur des travaux tronqués sur le Conseil d'Orientation des Retraites (COR) qui s'était déjà planté en 2010 en prétendant que la réforme Woerth règlerait tout et surtout, ils font des prévisions sans prendre en compte le taux de chômage et de croissance dans 10 ans car en réalité ça reste très difficile à prévoir. Surtout, quand on lutte peu contre la finance, les rémunérations folles de dirigeants du CAC40, les dividendes de leurs actionnaires, les paradis fiscaux, la fraude fiscale et les banques, comment venir parler d'une réforme des retraites qui déboucherait encore sur des efforts ? Par ailleurs, les ouvriers, vivant déjà 7 ans de moins que les cadres, feront encore autant d'efforts que ces derniers ?

Le gouvernement se bat contre le chômage, c'est certain. Ceux qui en doutent oublient, bien qu'évidemment ça ne suffira pas, les emplois jeunes, les contrats de génération, 10 000 emplois dans le secteur numérique, de nouveaux emplois dans le bâtiment grâce au plan logement, le fait qu'Arnaud Montebourg ait sauvé, sur 70 000 emplois menacés, près de 60 000. Seulement, on communique trop peu là dessus, aucun tract du Parti-Socialiste n'est visible, ni aucune affiche. En revanche, j'étais à Lille, ville socialiste d'un département contenant une grosse fédération socialiste, je ne voyais que des affiches des excités de la manif pour tous et de l'UMP. Là encore on ne sature pas non plus l'espace médiatique au moment où les Sarkozystes, après les attaques contre le juge Gentil, sont partout notamment pour jouer encore sur la ficelle du culte de la personnalité où le "bon" ex-monarque déchu remerciait sur Facebook ses groupies en annonçant, façon Chuck Norris, qu'il se battra coûte que coûte et cherchant à se refaire une virginité après les dérapages de ses amis, comme s'il n'y était pour rien.

Mais pour en revenir à l'emploi où est la politique de réindustrialisation ? Elle se limite au plan Gallois ? Ce plan reste encore défendable, bien que difficilement et à condition que le gagnant-gagnant se concrétise, ce dont beaucoup doutent à cause notamment du passé et au fait qu'on accorde depuis 30 ans énormément de largesses au patronat, sur le plan fiscal comme sur les subventions, et cela sans résultat, sauf pour les actionnaires. On parle de cibler des secteurs où on pourrait retrouver un certain leadership et un renouveau, mais quand va-t'on passer à l'action ? Quant au plantage sur Florange, un beau loupé en matière de communication. Ce pauvre Arnaud Montebourg qui se démène sur tous les fronts et ayant de la mémoire parle 3 jours avant un accord de nationalisation. Il est désavoué au dernier moment. On a donné de l'espoir aux salariés qui eux non plus n'ont rien oublié des trahisons de Mittal. Aucune garantie, si aujourd'hui encore Mittal trompe tout le monde qu'on nationalisera, dernier recours ou pas. D'accord le projet Ulcos était très intéressant et pouvait déboucher sur la pérennité du site pour plusieurs décennies. Seulement, il fallait menacer Mittal et lui rappeler que s'il trahissait, on nationaliserait en derniers recours. On ne l'a pas fait, à cause des pressions des ultra-libéraux venant des 4 coins de l'Europe et des Etats-Unis avec le risque d'une vengeance d'une mauvaise publicité médiatique contre la France par rapport aux investisseurs. On doit céder dans ce cas ?

Sur l'Europe, les marchés font encore la loi. La moindre crise provoque la spéculation. Du coup, tout le monde accepte ce que Merkel et Cameron dictent. On ne pourra jamais reproché à François Hollande d'avoir sauvé, sur le budget, l'aide alimentaire, menacée de disparition. La PAC devait être rabotée, y compris pour la France, ça n'a pas été le cas et le budget consacré aux politiques de croissance a augmenté d'environ 40%. Pour autant, si on prend le budget dans son intégralité, c'est un budget d'austérité. Il aurait fallu dire "ce budget n'est pas suffisant à mes yeux, nous (les pays du Sud) sommes majoritairement déçus, on refuse de discuter avec nous, au Parlement d'agir car dans l'Etat, je ne signe pas." On s'en moque des menaces de spéculation ! Si on avait un peu de volonté, car les Américains aussi vivent sous cette menace permanente et il ne serait pas difficile de convaincre les pays prenant de l'ampleur et étant membres du G20, on pourrait avoir l'occasion, une nouvelle fois légitime, de mettre au pas la finance et interdire certaines pratiques en plus de chercher l'argent là où il y en a. Je parle d'attaquer la finance. Ca ne se fera pas en un claquement de doigts, et il y aura une opposition très forte, notamment venant de certains pays, y compris les Etats-Unis sur certains aspects, notamment les paradis fiscaux, comme la Chine d'ailleurs avec Taiwan. Et alors ? Si on ne s'y met pas franchement, les choses ne changeront jamais et la question de la souveraineté des Etats ne se poserait plus qu'au niveau Européen et par rapport à l'Europe. On ne peut pas dire "mon adversaire c'est le monde de la finance" et ne mener aucune bataille. Nous sommes attaqués de toute façon, il faudra bien un jour réagir, car nous sommes en guerre.

Pour en revenir sur le budget Européen, si François Hollande ne voulait pas s'engager plus, il aurait dû laisser par exemple Harlem Désir mener le combat médiatique et politique tout en s'affichant avec d'autres leaders socialistes Européens car ça aurait servi, là aussi de message contre l'austérité. J'insiste sur l'aspect médiatique car ça compte, car s'il est évident que ce budget a été rejeté par les voix de gauche, on n'a pas rassuré sur la volonté auprès de tous les sympathisants, pas simplement en France. On a encore voulu ne pas froisser, ne pas déranger, et ça renvoie à une image de faiblesse, voire de manque de volonté si cette accusation n'est pas toujours justifiée, et dans tous les cas, ça laisse des traces. Ce n'est pas que sur les questions économiques que nous sommes insuffisants dans le combat et la communication, car étonnament, nous sommes aussi défaillants sur les questions sociétales, de laicité et de la République avec la conception que nous nous faisons, et à l'arrivée ça débouche sur de petits excès en petits excès, conduisant de manière implacable à des dérapages plus importants et aussi, parfois, une forme d'injustice et d'inégalité de traitement, comme sur la laicité.

Je ne reviendrai pas sur la dérive "Tea Party" de la "manif pour tous" et des nouvelles menaces de Christine Boutin, j'ai tout dit hier dans mon billet, notamment sur l'absence de riposte adaptée à la situation : http://rogersmith.canalblog.com/archives/2013/03/26/26742307.html

Sur la laicité, observez par vous-même la nouvelle provocation de Civitas :

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Encore des prières de rue et ce n'est pas la première fois... Dans le même temps, sous prétexte (que je comprends) qu'une entreprise faisant une mission de service public doit interdire tout signe religieux chez ses employés suite à une affaire de voile dans une crèche et une décision de justice invoquant le flou juridique autour d'un cas d'une femme voilée licenciée par son employeur, on veut agir. Oui mais voilà, on veut agir contre le voile islamique pour une mission de service public au nom de laicité, et toujours au nom de cette même laicité, on n'interdit pas les prières de rue de Civitas. Pire, on ne le dénonce pas, ou trop peu. Je ne veux aucune croisade, mais la laicité à géométrie variable ou comme alibi, on a connu ça sous le quinquennat Sarkozy, ne renvoyons pas l'image de la continuité ! Parce que Civitas est cautionné par la droite, François Hollande, le gouvernement et le Parti-Socialiste refusent tout discours de fermeté. On ne veut pas diviser... La conséquence, c'est qu'on divise la gauche. La France n'est pas que composée de gens de droite, nous aussi on existe et on réclame les mêmes devoirs sur la laicité ainsi que la même intransigeance !

 

Conclusion :


Quand François Hollande n'est pas trop prudent ou trop conscensuel, il lui arrive à se couper de ceux qui l'ont élu. Ces derniers temps, ça se répète sur ce dernier point. S'il peut arriver, et c'est tout à fait compréhensible dans cette période, d'être impopulaire, se couper de son électorat est forcément fatal. Si Sarkozy reste encore apprécié chez ses électeurs, c'est aussi grâce (mais aussi à cause) de ça. La différence, c'est que l'électeur de gauche ne veut mener aucune croisade contre je ne sais quelle religion. La gauche ne veut pas mettre au pilori les riches et les patrons (sauf les patrons voyous), elle veut de la justice et la chute du chômage. En revanche, la gauche veut en découdre avec la finance, et si le combat sera long, il serait temps de le commencer. Il faut aussi changer l'Europe, la rendre plus démocratique car la gauche ne rejette pas l'Europe, ses électeurs sont en revanche dépités par son impuissance et sa seule logique qu'est l'austérité folle qui étouffe et plombe la croissance. La gauche prône le progrès, pas la régression et quand des réactionnaires sont menaçants, les autorités policières et judiciaires doivent agir et le responsable politique doit prendre...ses responsabilités et n'être en aucun cas silencieux, voire complaisant.

Enfin il faut aussi un discours de vérité. Si notre modèle social est arrivé à bout de souffle et qu'il faut tout revoir de a à z, les gens n'auront pas peur d'entendre ce discours à condition de ne pas oublier l'essentiel, c'est à dire deux valeurs sacrées différenciant la gauche de la droite : justice et solidarité. Il faudra aussi affirmer la tenue de la promesse d'une remise à plat de notre système fiscal.

Les discours de compassion, dire que c'est dur mais qu'on verra le bout du tunnel, ça ne suffit plus et c'est une recette déjà utilisée à maintes reprises dans le passé. Désormais, il faut du concret.

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